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Les pseudo-cicatrisants en ophtalmologie : réparer sans masquer

par | 26 avril 2025 | Médicaments, Médicaments par Spécialités, Ophtalmologie | 0 commentaires

Introduction

La surface de l’œil, en particulier la cornée, est une zone d’une extrême sensibilité. En cas de lésion, même minime, elle déclenche un processus de réparation rapide mais délicat, afin de restaurer son intégrité tout en maintenant sa transparence. Lorsque ce mécanisme est altéré — par une sécheresse oculaire sévère, une infection, un traumatisme ou une chirurgie —, il devient nécessaire d’intervenir pour soutenir la cicatrisation. C’est ici que les pseudo-cicatrisants trouvent leur utilité.

Mais à la différence des cicatrisants classiques, souvent utilisés sur la peau, les pseudo-cicatrisants oculaires ne réparent pas directement les tissus : ils favorisent un environnement propice à la régénération en agissant sur l’hydratation, l’adhérence cellulaire, la protection mécanique ou encore la modulation de l’inflammation. Leur action est indirecte, mais essentielle dans les soins de la surface oculaire. Comprendre leur fonctionnement et leurs limites est crucial pour les utiliser à bon escient.

Soutenir la régénération cornéenne : une stratégie multifactorielle

La cicatrisation de la cornée repose sur une coordination subtile entre des cellules épithéliales, des facteurs de croissance, la matrice extracellulaire et l’équilibre du film lacrymal. En cas de rupture ou d’atteinte de cette chaîne, le processus peut ralentir, voire s’interrompre, conduisant à des complications : kératites persistantes, ulcérations, opacités résiduelles, voire perforations dans les cas extrêmes.

Les pseudo-cicatrisants agissent comme des médiateurs de soutien. Certains stabilisent le film lacrymal pour éviter la déshydratation cellulaire. D’autres forment un film protecteur qui limite les frottements, l’évaporation et les agressions mécaniques. Certains encore modulent la réponse inflammatoire ou favorisent l’adhésion cellulaire au substrat cornéen.

Il ne s’agit donc pas d’une réparation directe du tissu, mais d’une optimisation de l’environnement de cicatrisation. Cette approche est particulièrement précieuse dans les pathologies chroniques ou les yeux dits « secs complexes » où la régénération naturelle est insuffisante.

Les principales substances utilisées comme pseudo-cicatrisants

Parmi les molécules ou formulations les plus utilisées, on retrouve :

  • L’acide hyaluronique, grâce à sa capacité à retenir l’eau, stabilise le film lacrymal, hydrate la cornée et facilite la migration cellulaire.
  • Les dérivés de la vitamine A (rétinol), qui jouent un rôle dans la différenciation cellulaire épithéliale et peuvent accélérer la fermeture des plaies cornéennes.
  • Les extraits de Centella asiatica ou de calendula, parfois inclus dans des formulations naturelles, réputés pour leurs effets apaisants et régénérants, mais dont les preuves scientifiques restent limitées.
  • Les glycoprotéines ou lipides bioadhésifs, qui forment une barrière protectrice sur la cornée, réduisant la friction des paupières.
  • Les solutions à base de trehalose, sucre protecteur contre le stress oxydatif, qui agit aussi sur la stabilisation cellulaire.

Ces substances sont souvent combinées dans des collyres ou gels ophtalmiques dits « réépithélialisants » ou « protecteurs », mais leur efficacité varie selon le contexte clinique, la fréquence d’application et la formulation.

Risques, limites et mauvaise utilisation

Le terme « pseudo-cicatrisant » peut induire en erreur. Ces produits ne remplacent pas un traitement anti-infectieux, anti-inflammatoire ou immunomodulateur lorsqu’il est nécessaire. Ils n’ont pas non plus vocation à traiter des atteintes profondes ou infectées de la cornée. Leur emploi isolé dans ce contexte pourrait aggraver la situation en retardant une prise en charge appropriée.

De plus, certains produits peuvent contenir des conservateurs (comme le benzalkonium), qui sont eux-mêmes toxiques pour l’épithélium cornéen en cas d’utilisation répétée. L’utilisation de formes sans conservateur est donc préférable pour les traitements prolongés.

Enfin, il existe un risque de mésusage, lorsque ces collyres sont perçus comme des solutions « miracles » contre les douleurs oculaires, sans consultation médicale. Une douleur persistante de l’œil est toujours un signal d’alarme, qui doit être exploré avant toute automédication prolongée.

Conclusion

Les pseudo-cicatrisants occupent une place précieuse dans la prise en charge des lésions cornéennes superficielles ou chroniques. En apportant un soutien indirect à la cicatrisation, ils contribuent à restaurer une surface oculaire stable et fonctionnelle, tout en limitant les douleurs, les frottements et l’inflammation de bas grade.

Cependant, leur efficacité dépend largement du bon diagnostic de la pathologie sous-jacente, de la régularité d’utilisation, de la qualité de la formulation, et de leur intégration dans une stratégie thérapeutique globale. Utilisés à bon escient, ils permettent de guider la régénération tissulaire sans masquer les signaux d’alerte, et s’inscrivent dans une approche respectueuse de la physiologie oculaire.

Sources

  • Aygun, F. D., & Yıldız, M. (2020). Xerophthalmia findings from the eye lead to diagnosis of a child with vitamin A deficiency. Turkish Journal of Pediatrics. Lien vers l’étude
  • Cagini, C., Lascio, F. D., Chierego, C., & Riccitelli, F. (2021). Dry eye and inflammation of the ocular surface after cataract surgery: A comparative study between trehalose/hyaluronate eye drops and standard treatment. Clinical Ophthalmology. Lien vers l’étude
  • Cagini, C., Torroni, G., Fiore, T., & Iovino, C. (2021). Trehalose/sodium hyaluronate eye drops in post-cataract dry eye. Journal of Ocular Pharmacology and Therapeutics. Lien vers l’étude
  • Lazzara, F., Conti, F., Giuffrida, R., & Platania, C. B. M. (2025). Corneal protective effects of a new ophthalmic formulation containing hyaluronic acid and vitamin B12. Ophthalmic Research. Lien vers l’étude
  • Scarinci, F., Simone, G., Di Geronimo, N., & Parravano, M. (2025). Enhancing corneal sensitivity in diabetic patients with hyaluronic acid-based tear substitutes. Graefe’s Archive for Clinical and Experimental Ophthalmology. Lien vers l’étude

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