Introduction
L’asthme et les bronchites chroniques obstructives (BPCO, parfois appelées BCO dans certains contextes francophones) sont deux affections respiratoires chroniques touchant des millions de personnes à travers le monde. Elles se manifestent par des symptômes souvent similaires — comme la toux, l’essoufflement, la respiration sifflante ou les sifflements expiratoires — mais reposent sur des causes et des mécanismes physiopathologiques bien différents. Comprendre ces distinctions est essentiel pour adapter les traitements, éviter les erreurs de diagnostic, et proposer une prise en charge individualisée et efficace.
Alors que l’asthme est essentiellement caractérisé par une inflammation réversible et intermittente des bronches, la BPCO traduit une obstruction bronchique progressive et en grande partie irréversible. Dans les deux cas, le remodelage des voies respiratoires et la dérégulation immunitaire sont au cœur de la maladie, avec des conséquences importantes sur la qualité de vie, le risque d’exacerbation, et la survie à long terme.
Cet article propose d’analyser en profondeur ces deux maladies, en insistant sur leurs fondements biologiques, les outils diagnostiques disponibles, les traitements actuels et à venir, tout en soulignant les enjeux de santé publique liés à leur prise en charge.
Asthme : une maladie inflammatoire souvent sous-estimée
L’asthme est une pathologie inflammatoire chronique des voies respiratoires, qui touche environ 300 millions de personnes dans le monde. Elle se manifeste par des épisodes de bronchoconstriction (rétrécissement des bronches) réversibles, souvent déclenchés par des facteurs extérieurs : allergènes (acariens, pollens, moisissures), infections respiratoires, pollution atmosphérique, effort physique ou encore émotions fortes.
Sur le plan immunologique, l’asthme est marqué par une activation anormale de cellules inflammatoires comme les éosinophiles, les lymphocytes Th2, les mastocytes et les macrophages. Ces cellules libèrent des médiateurs inflammatoires (histamine, interleukines, leucotriènes) responsables de l’œdème bronchique, de l’hyperproduction de mucus et de l’hypercontractilité des muscles lisses bronchiques.
Traitement de l’asthme : contrôler l’inflammation avant tout
Le traitement de fond de l’asthme repose sur les corticoïdes inhalés, qui sont les seuls à cibler l’inflammation de manière efficace. Ils permettent de réduire la fréquence des crises, d’améliorer la fonction respiratoire et de diminuer les besoins en bronchodilatateurs de secours.
Les bêta-2 mimétiques de longue durée d’action (formotérol, salmétérol), souvent utilisés en combinaison fixe avec les corticoïdes, améliorent le contrôle des symptômes. Leur action synergique permet d’agir à la fois sur l’inflammation et sur la bronchoconstriction.
Les médicaments de secours, tels que le salbutamol, sont destinés à soulager rapidement les symptômes aigus, mais leur usage fréquent sans traitement anti-inflammatoire est un signe d’asthme mal contrôlé.
Pour les formes sévères réfractaires aux traitements standards, les biothérapies ciblées (omalizumab, mepolizumab, benralizumab, dupilumab) révolutionnent la prise en charge. Ces anticorps monoclonaux visent des cibles précises de l’inflammation asthmatique et permettent une réduction significative des exacerbations, parfois jusqu’à l’arrêt complet des corticoïdes systémiques.
La stratégie de traitement progressif (stepwise) adaptée aux symptômes et au contrôle de l’asthme permet d’ajuster les doses et les associations pour atteindre un équilibre optimal entre efficacité et tolérance.
BPCO : une maladie pulmonaire obstructive chronique évolutive
La BPCO est une maladie lentement progressive, dû à une inflammation persistante des voies respiratoires, le plus souvent liée à l’inhalation chronique de particules nocives (tabac dans plus de 80 % des cas, mais aussi pollution, expositions professionnelles). Elle se caractérise par une obstruction bronchique non totalement réversible, une altération de l’échange gazeux, une diminution progressive du VEMS et une dyspnée d’effort de plus en plus invalidante.
L’inflammation BPCO est différente de celle de l’asthme : elle est dominée par les neutrophiles, les macrophages et les lymphocytes CD8. Cette inflammation chronique entraîne un remaniement des parois bronchiques, une fibrose, une perte d’élasticité alvéolaire (emphysème), et une hyperproduction de mucus (bronchite chronique).
Traitement de la BPCO : ralentir la dégradation
Le sevrage tabagique reste le levier le plus efficace pour ralentir la progression de la maladie. Les aides au sevrage (substituts nicotiniques, thérapies comportementales, varénicline) doivent être proposées systématiquement.
Les bronchodilatateurs à longue durée d’action, à base de bêta-2 mimétiques (indacatérol) ou d’anticholinergiques (tiotropium, glycopyrronium), sont la base du traitement symptomatique. Leur association améliore les volumes pulmonaires, la tolérance à l’effort et la qualité de vie.
Chez les patients à exacerbations répétées, les corticoïdes inhalés sont ajoutés, bien que leur bénéfice soit modeste et leurs risques (infections pulmonaires, candidose) bien répertoriés.
Des traitements systémiques (corticoïdes oraux, antibiotiques) sont utilisés lors des exacerbations infectieuses, parfois avec l’aide d’oxygénothérapie ou de ventilation non invasive (VNI) en cas de défaillance respiratoire aiguë.
La réhabilitation respiratoire joue un rôle central : elle permet de restaurer l’autonomie fonctionnelle, de lutter contre la fonte musculaire et de réduire les hospitalisations. Elle comprend un programme multidisciplinaire combinant exercice, nutrition, soutien psychologique et éducation.
Distinguer l’asthme de la BPCO : une nécessité diagnostique
Bien que les symptômes puissent se chevaucher, l’approche diagnostique repose sur l’anamnèse, la spirométrie, les tests de réversibilité, les biomarqueurs inflammatoires (dosage des éosinophiles, IgE) et l’imagerie thoracique.
- L’asthme débute souvent à un jeune âge, avec des antécédents allergiques, et se manifeste par une obstruction réversible
- La BPCO concerne les sujets plus âgés, avec un tabagisme ancien, une toux chronique et une altération fonctionnelle progressive
Dans les cas hybrides, le syndrome de chevauchement asthme-BPCO (ACOS) implique une stratégie personnalisée, souvent plus proche de celle de l’asthme sur le plan pharmacologique.
Conclusion
L’asthme et la BPCO représentent deux entités cliniques majeures de la pneumologie, à la fois différentes et parfois superposées. Leur compréhension repose sur une analyse fine des mécanismes inflammatoires, des facteurs environnementaux et des capacités fonctionnelles respiratoires. Une prise en charge adaptée, centrée sur le patient et à jour des recommandations scientifiques, permet non seulement de mieux contrôler les symptômes, mais aussi d’éviter les complications à long terme et de restaurer la qualité de vie. Dans une époque où la prévalence de ces affections continue de croître, notamment en lien avec la pollution et le vieillissement de la population, leur dépistage précoce et leur traitement personnalisé sont plus que jamais indispensables.
Sources
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