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Les antiseptiques locaux en ophtalmologie : entre protection et précaution

par | 12 avril 2025 | Médicaments, Médicaments par Spécialités, Ophtalmologie | 0 commentaires

Introduction

L’œil est une porte d’entrée fragile pour les agents infectieux. Son exposition constante à l’environnement, sa vascularisation particulière et sa surface humide en font un terrain propice aux contaminations. En ophtalmologie, l’utilisation d’antiseptiques locaux vise à prévenir ou à traiter les infections superficielles, notamment avant ou après une chirurgie, ou dans certaines conjonctivites d’origine bactérienne ou virale. Mais tous les antiseptiques ne se valent pas, et leur usage ne doit pas être banalisé.

Comprendre leur mécanisme d’action, leur spectre antimicrobien, mais aussi leur potentiel irritant ou toxique est essentiel pour un usage raisonné, en complément ou en alternative aux antibiotiques.

Pourquoi utiliser un antiseptique oculaire ?

Contrairement aux antibiotiques, qui ciblent des bactéries spécifiques, les antiseptiques ont une action plus large : ils détruisent ou inhibent bactéries, virus, champignons et parfois même spores. En ophtalmologie, ils sont utilisés dans trois situations principales :

  1. Prévention préopératoire, pour désinfecter la surface oculaire avant une chirurgie (cataracte, kératoplastie, injection intravitréenne).
  2. Traitement adjuvant dans les conjonctivites infectieuses.
  3. Hygiène quotidienne des paupières et bords palpébraux, en cas de blépharite ou de meibomite.

Mais cette efficacité vient avec un revers : le risque d’irritation, d’allergie ou de toxicité pour les cellules épithéliales, surtout en cas d’usage répété ou prolongé.

Mécanismes d’action et substances utilisées

Les principaux antiseptiques utilisés en ophtalmologie sont la povidone iodée, l’hexamidine, la chlorhexidine, et plus récemment des composés à base d’hypochlorite de sodium faiblement dosé. Leur mode d’action repose sur la destruction des membranes cellulaires, la dénaturation des protéines microbiennes ou l’inactivation des acides nucléiques.

La povidone iodée, notamment en solution à 5% ou 10%, est l’antiseptique de référence avant chirurgie oculaire. Elle a un très large spectre, incluant bactéries Gram+ et Gram–, virus (dont adénovirus et herpès), champignons et spores. Mais elle peut provoquer une sensation de brûlure ou une hypersensibilité locale (Nair et al., 2023).

L’hexamidine, utilisée en collyre (ex : Desmodine®), est mieux tolérée que la povidone iodée et active principalement sur les bactéries Gram+. Elle est utilisée pour les conjonctivites bénignes et les soins de surface.

La chlorhexidine, bien connue en hygiène buccale, peut être utilisée à très faible concentration dans certains collyres ou solutions pour lentilles, mais son usage oculaire reste limité en raison d’un potentiel toxique important pour la cornée (Ali et al., 2020; Cruz et al., 2025).

Des antiseptiques doux comme l’hypochlorite de sodium dilué (ex : solution de type Ofta Clean®) gagnent du terrain en hygiène palpébrale, notamment pour les blépharites chroniques, car ils respectent mieux la flore commensale et les tissus sensibles.

Efficacité clinique et limites

Les études cliniques montrent que l’utilisation de la povidone iodée réduit significativement le risque d’endophtalmie post-chirurgicale. De même, l’hexamidine s’est révélée utile pour réduire les signes inflammatoires lors d’épisodes de conjonctivite d’origine indéterminée.

Des études récentes comparent désormais la povidone iodée à d’autres antiseptiques comme la chlorhexidine, avec des résultats encourageants sur l’efficacité mais des profils de tolérance variables selon les patients (Cruz et al., 2025).

Cependant, leur usage ne remplace pas les antibiotiques lorsque ceux-ci sont clairement indiqués (infection bactérienne confirmée, kératite, ulcère cornéen). En outre, les antiseptiques n’ont généralement pas d’action anti-inflammatoire et peuvent assécher ou irriter l’œil, ce qui limite leur utilisation sur le long terme.

Il est également important de souligner que l’abus d’antiseptiques, notamment sous forme de gouttes pluriquotidiennes, peut perturber la flore oculaire naturelle, favorisant des déséquilibres ou une inflammation chronique. Une étude menée sur plus de 3 000 patients hospitalisés a souligné les réactions cutanées possibles, ce qui rappelle que l’œil, structure encore plus sensible, doit être protégé d’un usage excessif (Caumes et al., 2006).

Conclusion

Les antiseptiques locaux sont des outils précieux en ophtalmologie lorsqu’ils sont utilisés à bon escient. Leur rôle dans la prévention des infections et dans certaines pathologies superficielles est indéniable, mais ils doivent être maniés avec prudence pour éviter toute toxicité ou altération de l’équilibre oculaire. À l’heure où les résistances aux antibiotiques augmentent, leur intérêt pourrait croître dans les années à venir, notamment grâce au développement de nouvelles formulations mieux tolérées.

Sources

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