La diéthylcarbamazine (ou DEC) est un anthelminthique essentiel utilisé principalement pour traiter des infections parasitaires causées par des filariae, tels que Wuchereria bancrofti, Brugia malayi, et Loa loa, responsables de maladies comme la filariose lymphatique et la loase. Découverte au milieu du XXe siècle, la DEC est encore aujourd’hui l’un des traitements principaux dans la lutte contre les filarioses, particulièrement dans les zones tropicales où ces maladies sont endémiques. Cet article explore l’histoire de la DEC, son mécanisme d’action, ses utilisations médicales, ainsi que ses effets secondaires et les précautions associées.
L’Histoire de la Diéthylcarbamazine
La diéthylcarbamazine a été développée dans les années 1940 par la société pharmaceutique Lederle Laboratories, à une époque où les filarioses étaient un problème de santé majeur dans les régions tropicales et subtropicales. La DEC s’est révélée efficace pour traiter des infections filariennes, notamment la filariose lymphatique, qui provoque des œdèmes chroniques et peut entraîner des déformations importantes des membres, connues sous le nom d’éléphantiasis.
La DEC a été largement utilisée dans le cadre de programmes de santé publique pour l’éradication de la filariose lymphatique. En combinaison avec d’autres anthelminthiques, tels que l’albendazole et l’ivermectine, la DEC est administrée en masse pour réduire la transmission de la maladie et limiter ses conséquences à long terme.
Mécanisme d’Action de la Diéthylcarbamazine
La diéthylcarbamazine agit de manière complexe pour cibler les microfilaires (larves) et, dans une moindre mesure, les vers adultes des filaires. Bien que le mécanisme d’action exact ne soit pas entièrement élucidé, on sait que la DEC provoque une altération de la surface des microfilaires, ce qui les rend plus vulnérables au système immunitaire de l’hôte.
La DEC entraîne également des modifications dans les métabolites de l’acide arachidonique des filaires, ce qui entraîne une augmentation de la réponse inflammatoire de l’hôte. Cela permet une destruction plus rapide des microfilaires par le système immunitaire. En conséquence, la DEC est efficace pour réduire la charge parasitaire dans le sang, limitant ainsi la transmission de la maladie par les moustiques.
Utilisations Médicales de la Diéthylcarbamazine
La diéthylcarbamazine est utilisée pour traiter plusieurs infections filariennes, qui peuvent entraîner des complications graves si elles ne sont pas traitées.
Filariose Lymphatique
La filariose lymphatique est causée par des nématodes tels que Wuchereria bancrofti et Brugia malayi. La DEC est administrée pour tuer les microfilaires présentes dans le sang et réduire les symptômes de la maladie. Le traitement par DEC est souvent administré en combinaison avec d’autres médicaments, tels que l’albendazole, pour améliorer l’efficacité et réduire le risque de transmission.
Loase
La loase est causée par Loa loa, une filaire qui se déplace sous la peau et peut provoquer des gonflements appelés œdèmes de Calabar. La DEC est utilisée pour tuer les microfilaires et réduire les symptômes de l’infection. Cependant, le traitement de la loase avec la DEC doit être administré avec prudence, car une destruction rapide des microfilaires peut entraîner des effets secondaires graves.
Mansonellose
La DEC peut également être utilisée pour traiter la mansonellose, une infection causée par Mansonella spp., bien que cette indication soit moins courante. Elle permet de réduire les symptômes liés à la présence de microfilaires dans le sang et les tissus.
Avantages et Limitations de la Diéthylcarbamazine
Avantages
- Efficacité contre les Microfilaires : La DEC est très efficace pour réduire la charge des microfilaires dans le sang, limitant ainsi la transmission par les moustiques et améliorant les symptômes chez les patients infectés.
- Administration Simple : La DEC est administrée par voie orale, souvent en quelques doses étalées sur plusieurs jours, ce qui en facilite l’utilisation dans le cadre de campagnes de traitement de masse.
Limitations
- Effets Secondaires Liés à la Réaction Immunitaire : La DEC peut provoquer des réactions inflammatoires importantes en raison de la destruction des microfilaires, en particulier dans les cas de loase, où les charges microfilariennes sont élevées.
- Inefficacité contre les Vers Adultes : La DEC est moins efficace contre les vers adultes, ce qui signifie que des traitements répétés sont souvent nécessaires pour contrôler la maladie sur le long terme.
Effets Secondaires et Précautions
L’utilisation de la diéthylcarbamazine peut entraîner des effets secondaires, souvent dus à la réponse immunitaire de l’hôte face à la destruction des parasites.
Réactions Inflammatoires
Les patients traités par DEC peuvent présenter des réactions inflammatoires sévères, telles que des fièvres, des douleurs musculaires, et des gonflements au niveau des zones affectées. Ces réactions sont principalement dues à la destruction des microfilaires et peuvent être atténuées par l’administration concomitante d’antihistaminiques ou de corticostéroïdes.
Effets Neurologiques
Chez les patients atteints de loase, la DEC peut entraîner des effets secondaires graves, notamment des encéphalopathies, en raison de la forte charge microfilarienne. Pour cette raison, la DEC est administrée avec prudence dans les zones endémiques de Loa loa, et une évaluation préalable de la charge parasitaire est souvent nécessaire.
Troubles Gastro-intestinaux
Des effets secondaires mineurs tels que des nausées, des vomissements, et des céphalées peuvent survenir, mais ils sont généralement transitoires et se résolvent spontanément après l’arrêt du traitement.
Conclusion
La diéthylcarbamazine reste un anthelminthique essentiel dans le traitement de la filariose lymphatique, de la loase, et d’autres filarioses. Grâce à son mécanisme d’action ciblant les microfilaires, elle permet de réduire la transmission des parasites par les moustiques et d’améliorer la qualité de vie des patients. Cependant, les réactions inflammatoires et les précautions nécessaires pour les patients atteints de loase constituent des défis dans l’utilisation de ce médicament. Malgré ses limitations, la DEC continue de jouer un rôle crucial dans les efforts de lutte contre les filarioses, en particulier dans les régions où ces maladies sont endémiques.
Sources :
- Ottesen, E. A. (1994). The treatment of filariasis: Diethylcarbamazine and Ivermectin. The Journal of infectious diseases. Lien vers l’article
- Bockarie, M. J., Tisch, D. J., Kastens, W., Alexander, N. D., Dimber, Z., Bockarie, F., & Kazura, J. W. (2009). Mass treatment to eliminate filariasis: The role of diethylcarbamazine in combination with antifilarial chemotherapy. The Lancet infectious diseases. Lien vers l’article
- Taylor, M. J., Hoerauf, A., & Bockarie, M. (2010). Lymphatic filariasis and onchocerciasis. The Lancet. Lien vers l’article
- Boussinesq, M., Gardon, J., Gardon-Wendel, N., & Chippaux, J. P. (2003). Adverse reactions after treatment of Loa loa filariasis with ivermectin: A perspective study. The Lancet. Lien vers l’article
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